jeudi 19 décembre 2013

Et si le management était un art? Entretien avec Michel Berry




Et si le management était un art?


ParisTech Review – Aux sources de l'Ecole de Paris du management, il y a la question de la singularité des pratiques, sur laquelle bute le projet d'un management scientifique. Partons de ce moment où les sciences de gestion entrent en crise. Peut-on le dater ?
Michel Berry – On peut dater, en tout cas, le moment où cette crise est formulée pour la première fois, au tout début des années 1980. Mais pour comprendre ce qui s'est joué alors, il nous faut revenir deux décennies en arrière.
Les sciences du management se sont développées dans les années 1960, autour d'un rêve : être au décideur ce que la balistique est à l'artilleur, une méthode infaillible, permettant de tirer au but à coup sûr.
Jusqu'alors, la gestion était enseignée dans les business schools par des managers, des praticiens qui extrapolaient à partir de leur expérience. Le moment des années 1960 est une rupture : on peut le définir comme une prise de recul, avec la constitution d'un corpus de méthodes et de théories.
On assiste alors dans les universités américaines à l'émergence de véritables départements de management, qui font de la recherche. La discipline se structure. Des sous-disciplines apparaissent, comme autant de territoires balisés par des revues, des processus d'évaluation, de reconnaissance, de cooptation. On passe ainsi en quelques années d'un domaine envisagé et enseigné comme une pratique à une discipline organisée selon le modèle des sciences dures. La littérature spécialisée est un excellent témoin de cette évolution : les chercheurs se focalisent sur des critères formels, tentent de modéliser leur pensée en usant de formules mathématiques, testent leurs hypothèses grâce à des batteries de tableaux statistiques…
tableaux
C'est à cette époque, notons-le au passage, que se sont développés les indicateurs de gestion qui ont ensuite envahi les entreprises. Certes, depuis l'entre-deux-guerres l'organisation scientifique du travail avait posé les premiers jalons de cette tendance, mais c'est dans les années 1960 que l'idée d'un management scientifique prend toute son extension. S'il fallait citer un nom ici, ce serait celui de Herbert Simon, le président du Département de management industriel à Carnegie Tech, qui reçut le prix Nobel en 1978. Il a beaucoup fait pour développer la discipline et lui donner un cadre rigoureux.
Ce management « scientifique » sort-il rapidement de l'enceinte des universités ?
Oui, il est au cœur de la grande transformation qui anime alors le monde industriel. L'esprit de cette transformation, c'est l'idée d'optimisation et de rationalisation. Ce sont des années de forte croissance économique, et on cultive l'idée de maîtriser rigoureusement cette croissance. Dans les pays européens, l'idée de planification est alors au centre du jeu, et aux Etats-Unis on entreprend de rationaliser les entreprises, les processus de décision, la mesure des résultats : tout devient objet de calcul économique. Le dirigeant, par définition, c'est alors celui qui maîtrise ce calcul.
Les résultats sont d'abord extraordinaires. Les Européens observent avec envie et une pointe d'inquiétude ces succès américains, que certains observateurs associent à un effet d'échelle mais que d'autres, comme en France Jean-Jacques Servan-Schreiber, attribuent à un management gap. Des centaines d'étudiants sont alors envoyés dans les universités américaines, et dans les Grandes Ecoles on commence à s'intéresser de très près aux sciences de gestion.
Cela a marché quelque temps, pour des raisons qu'on peut aujourd'hui comprendre : dans une économie de pénurie, où la grande question est de parvenir à satisfaire la demande, la rigueur et l'optimisation sont des qualités précieuses. Plus subtilement, les managers ont pu pendant un temps arguer du caractère scientifique de leurs décisions, ce qui les a aidés à se faire obéir et a contribué à la bonne marche des organisations. Toute une mythologie s'est alors développée autour de cette idée de méthodes qui devaient triompher non pas seulement par leur qualité intellectuelle, mais parce que c'étaient les méthodes des vainqueurs – de ceux qui avaient gagné la Deuxième Guerre mondiale, et qui triomphaient aussi sur le plan économique.
Mais dès les années 1970, en partie sous l'effet des chocs pétroliers et des fluctuations des changes, l'économie américaine ralentit. Les grands conglomérats comme GM ne sont plus perçus comme de magnifiques machines bien huilées, mais comme des géants un peu amorphes, dont les produits ne font plus rêver. Car en face sont apparus des concurrents redoutables, aux méthodes très différentes : les Japonais.
Les Japonais signent l'échec du management scientifique ?
D'une certaine vision scientifique du management, en tout cas. C'est le constat que dresse en 1982 un livre qui a marqué son époque, In Search of Excellence (traduit en français l'année suivante sous le titre Le Prix de l'excellence). Les auteurs, Thomas Peters et Robert Waterman Jr, expliquent le succès des Japonais par l'intelligence de leurs méthodes industrielles, qui composent un cocktail bien différent : « trois grammes de science, un litre de sentiment » ! Ce qui compte, c'est l'homme. L'approche japonaise, à travers différentes formules dont le fameux toyotisme ou encore les démarches qualité mises en œuvre à travers la méthode kaizen, est d'abord pragmatique. Elle ne planifie pas, ne prétend pas tout maîtriser du début à la fin, mais s'appuie sur l'apport des employés, enrôlés dans une logique d'amélioration permanente.
Il y avait, dans l'expérience japonaise, des leçons très profondes. Mais le pli était pris : on en tira surtout des catalogues de recettes… Et si les mathématiques étaient remises en cause, on conserva l'idée qu'il existait des méthodes universelles.
Kaizen
Dès les années 1970 cependant, un certain nombre de chercheurs et de praticiens ont commencé à s'interroger. C'est par exemple à ce moment que le Centre de gestion scientifique de l'École des Mines commence à évoluer. Il avait été fondé dans les années 1960 avec l'idée de trouver les bons modèles, mais dès les années 1970 il s'engage dans une démarche bien différente, de compréhension des mécanismes profonds des organisations. Le Centre de recherche en gestion de l'École polytechnique, créé en 1972 par Bertrand Collomb et que je dirige à partir de 1975, prend une voie semblable, les deux centres dialoguant de concert. Ils ont fondé les bases d'une recherche clinique, c'est-à-dire menée au plus près des réalités du terrain, contrairement aux travaux des business schools, souvent coupées de la pratique, aussi surprenant que cela paraisse.
… et au début des années 1990 est créée l'École de Paris du management, qui se définit explicitement en réponse à la crise du management scientifique.
Notre intuition était la suivante : si les problèmes sont universels, les réponses sont singulières. Elles diffèrent d'un endroit à un autre, d'un secteur à un autre, mais aussi, comme l'a montré en 1989 Philippe d'Iribarne dans son remarquable ouvrage La Logique de l'honneur, d'un pays à un autre.
Sur le terrain, les bonnes réponses sont singulières, pas toujours reproductibles. Elles demandent une inventivité extraordinaire et souvent méconnue. C'est cette intelligence du singulier que j'ai voulu valoriser en créant l'École de Paris du management, qui n'est pas une institution d'enseignement supérieur, mais bien plutôt un lieu d'échange et de réflexion sur les pratiques, envisagées dans ce qu'elles ont d'unique, de singulier.
Mais le risque existe de rester prisonnier de cette singularité : une expérience, au fond, ne renverrait qu'à elle-même.
C'est un risque, en effet, mais il est assumé, et j'irai plus loin : il est en quelque sorte intégré à la méthode. Une de nos séances récentes était organisée autour du leader de la patrouille de France. On est bien, ici, dans l'extrême singularité. Mais c'est précisément en l'explorant qu'on peut développer des idées nouvelles, qui permettront de mieux comprendre, ici et là, d'autres situations. L'introduction du volume XIX des Annales de l'École de Paris, regroupant tous les travaux de 2012, a pour titre « À la manière de la Patrouille de France », pour avancer qu'elle est peut-être un paradigme de l'entreprise efficace de demain.
L'idée centrale, c'est de raisonner par études de cas, non pas en les analysant de l'extérieur – au risque de rabattre l'inconnu sur du connu – mais au contraire en les faisant raconter par les acteurs. La façon dont la pratique nourrit les décisions me semble, d'une manière générale, occultée. Faire parler les acteurs, leur faire raconter leur histoire, offre la possibilité de sortir de cette impasse.
Tout d'abord ce sont eux qui parlent, et ils ne sont pas des théoriciens : même s'ils utilisent des éléments de langage théorique, ils sont d'abord et avant tout porteurs d'une expérience particulière, d'une histoire vécue de l'intérieur, qui ne se laissera pas aisément réduire à un langage convenu. Et, justement, la forme utilisée, le récit, joue ici un rôle central. Elle permet d'abord de communiquer cette expérience de façon vivante, mais elle permet surtout une mise en forme personnelle, située : le récit, c'est ce qui permet de dire ce qu'on a vécu.
C'est d'une certaine façon le contraire d'un PowerPoint. Car l'antimodèle, de mon point de vue, c'est ce que sont trop souvent poussés à faire les consultants : ils arrivent dans une entreprise et entreprennent de plaquer leur modèle, en ignorant généralement tout de l'histoire de cette entreprise ou, pire, en faisant comme si elle n'avait jamais eu lieu. Or elle a eu lieu, précisément : cette histoire s'est déroulée dans un endroit particulier. Et c'est justement cette histoire qui mérite d'être entendue pour comprendre une organisation construite au fil de temps, à mesure que se présentaient des problèmes auxquels devaient être apportées des solutions, parfois improvisées, parfois élaborées patiemment.
Bien sûr, il est bon d'apporter dans une entreprise un peu d'air frais, de donner idée de ce qui se fait ailleurs, des solutions élaborées à l'extérieur. Mais il me semble que le monde industriel d'aujourd'hui survalorise les solutions extérieures, celles des consultants précisément, et peine à reconnaître les solutions souvent inventives développées à l'intérieur des entreprises. L'Ecole de Paris cherche très précisément à les mettre en lumière. Ce qui est une façon de les mettre à l'honneur.
Raisonner par études de cas est aujourd'hui très répandu dans les écoles.
Oui, et du reste c'est une tradition déjà ancienne. Mais elle fut longtemps marginale, et elle le reste au sein de la recherche académique. C'est l'université de Harvard qui a inventé la méthode des cas, au début du XXe siècle. Le département de management était au départ rattaché à la faculté de droit, et vous savez que dans un régime de common law, on raisonne essentiellement à partir de la jurisprudence et donc des études de cas. Harvard a donc développé et raffiné cette culture de cases studies, qui fait d'elle, aujourd'hui encore, l'université la plus proche des entreprises. Ce qu'on ignore c'est que, pour les chercheurs, s'engager dans cette démarche s'apparente à un suicide professionnel car en faisant des cas vous n'avez généralement pas le temps de rédiger autant de publications que vos concurrents. De deux choses l'une, donc : soit vous êtes titularisé par Harvard (et votre tenure est confirmée dans les six ans), soit vous ne valez plus grand chose sur le marché académique. Car dans les autres universités américaines on fait de la recherche et non des cases studies.
Harvard est donc relativement isolée. Certes, les études de cas sont pratiquées dans les business schools, mais d'une façon beaucoup moins ambitieuse : les cas sont toujours envisagés comme des exemples d'une leçon plus générale. Ce n'est d'ailleurs pas illégitime, entendons-nous bien. Mais on peut aussi, et c'est tout aussi intéressant, s'intéresser à lui dans ce qu'il a d'unique, de singulier.
Cela n'est pas sans conséquences, car cela amène à déplacer le focus. Par exemple, en insistant sur la singularité des situations on est amené à valoriser l'intelligence du manager, à faire la part de l'acteur, du praticien. C'est une autre façon de considérer l'entreprise, bien loin des visions qui réduisent les hommes à des points sur une matrice. Les managers ne sont pas substituables, on ne peut les déplacer comme des pions sur un jeu de dames.
Ensuite, se pose la question de ce que l'on peut apporter à un praticien. À ce titre l'expérience qu'il fait en venant raconter son histoire est très importante, et peut nous mettre sur la piste : ce travail de mise en forme est un moment crucial, et on peut l'aider – notamment dans l'échange qui suit la présentation, mais aussi dans le travail de préparation en amont – à penser, à réfléchir. On peut l'aider à formuler son expérience. En prenant soin, bien sûr, ne pas la formuler à sa place, au crible de ce que l'on sait déjà.
Du reste, un apport théorique peut être bienvenu pour l'aider à mettre en forme son expérience. Les théories peuvent aider, à condition de les utiliser de façon non normative.
La dimension littéraire semble être un des points saillants de votre méthode.
Absolument, et à plusieurs titres. Le récit, je vous le disais, est fondamental. La narration est un moyen de donner à penser, et elle permet de mobiliser l'aspect temporel et tout ce qui s'y rapporte – la durée, les événements, les coups de théâtre, les moments d'accélération, d'attente, de suspens. Un des plus grands livres sur la finance, c'est un roman de Zola : L'Argent. Raconter permet de comprendre bien des choses, y compris pour celui qui raconte.
Le compte rendu qui est fait de chacune des séances est extrêmement travaillé sur le plan littéraire, et certains de ces textes sont devenus des best-sellers, lus par des dizaines de milliers de lecteurs. Nous avons plusieurs rapporteurs, qui sont de véritables auteurs. Ce n'est pas seulement qu'ils écrivent bien, c'est qu'ils s'engagent dans le texte comme le ferait un écrivain : même s'il est évidemment impératif qu'ils soient fidèles au propos original, leurs comptes rendus sont bien autre chose qu'une simple retranscription.
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Mais le récit oral et le compte rendu écrit ne sont pas tout. Il y a aussi les échanges, et on s'inscrit ici dans une tradition séculaire, celle des salons philosophiques du XVIIIe siècle et de l'art de la conversation. On aurait tort de prendre cela à la légère : sans même remonter à Platon, une conversation bien menée est un moyen de faire surgir des idées, de faire progresser la compréhension d'une situation. Les dirigeants sont souvent isolés, et ils apprécient les échanges d'expérience. Un dialogue entre praticiens, mais aussi entre des praticiens et des chercheurs, enrichira les uns et les autres. Vous l'aurez compris, ce qui se dessine derrière cette approche, c'est une certaine attention à l'humain. On pourrait parler, à ce titre, d'un projet humaniste.
Par opposition au management scientifique, ne faudrait-il pas alors parler d'une culture du management ?
Si, et c'est probablement ainsi que l'on peut dépasser le piège de la singularité : la formation d'une culture managériale est au centre de notre projet, qui s'articule autour de la mise en commun du singulier.
J'irais d'ailleurs plus loin : le management, ainsi conçu, peut être défini comme un art. Une décision peut être observée, et parfois admirée, comme une œuvre. Une œuvre, c'est à la fois un geste profondément individuel, qui engage un style, et un geste enraciné dans une tradition, dans des références – une culture.
C'est important, les œuvres. Et ça l'est d'autant plus que pour de multiples raisons, l'enseignement du management a aujourd'hui tendance à se standardiser. Au début des années 1990, j'avais pu observer le développement d'une critique générale et radicale des business schools aux Etats-Unis : on leur reprochait de s'être enfermées dans des modèles académiques, d'ignorer la réalité des entreprises. Cette critique les a amenées, dans un premier temps, à rechercher des voies alternatives, en s'intéressant à des expériences comme celle de l'École de Paris. Mais à partir de 1996 l'économie américaine est repartie et la critique des business schools s'est calmée, alors qu'elles n'avaient pas encore beaucoup changé. L'appétence pour des schémas alternatifs a diminué.
Depuis le début des années 2000, le monde entier cherche à copier les business schools américaines les plus prestigieuses. Il en ressort une certaine standardisation, encore renforcée par une obsession des classements qui tend à tuer l'originalité. Un élément de cette standardisation est la place croissante des critères liés à la recherche académique dans ces classements. Cela promeut des profils assez homogènes, loin du terrain, qui se résument dans la figure du chercheur global anglophone publiant dans des revues classées « A ». Fort bien ; mais ils se ressemblent tous, et où sont les pratiques dans tout cela ? L'enseignement du management, qui s'était libéré dans les années 1990 des entraves du « management scientifique », est retombé aujourd'hui dans une sorte de scolastique – un discours quasi théologique, qui formate le langage et les esprits, de plus en plus éloigné de la réalité.

C'est dans ce contexte qu'il me semble pertinent d'envisager le management comme un art. Cela remet la singularité des pratiques et des styles au centre du jeu. Cela remet la réalité au centre du jeu. Cela permet la formation, la transmission, mais aussi la critique. La critique joue en effet un rôle majeur en art, même si les artistes la trouvent injuste : elle les pousse à se dépasser, et elle contribue à une mise en scène, une mise en intrigue de l'art qui captive le public et stimule en retour la création. Cette fonction manque cruellement dans le management. On entend certes souvent des propos critiques sur le management des entreprises, mais ce n'est pas comme en art une critique de connaisseurs qui fait avancer, mais souvent une opposition entre une vision tout en blanc et une vision tout en noir qui ne fait guère avancer. C'est pour cela que nous attachons tant d'importance au débat, à l'École de Paris : c'est notre fonction de critique artistique, l'art en question étant ici le management.
La transmission me semble aussi un problème capital et totalement sous-estimé. L'enseignement n'assure qu'une partie de cet enjeu. On peut enseigner des modèles, ce n'est même pas très difficile. Mais comment transmettre ce qui fait la réelle qualité d'une décision, la réelle qualité d'un manager ? Cela s'apprend bien souvent sur le terrain, au jour le jour. Considérer le management comme un art permet d'aller un peu plus loin, en envisageant d'autres formes d'apprentissage, plus élaborées.

Aujourd'hui, on est pris entre le côté abstrait et standardisé de l'enseignement des modèles – qui au fond n'apprend pas grand chose au futur manager – et à la réalité de l'apprentissage sur le terrain, qui est informel et lacunaire. Il y a place pour une troisième voie.
À quoi pourrait-elle ressembler ?
Reprenons l'image de l'œuvre d'art, qui peut nous livrer quelques pistes. Dans la formation d'un artiste, il y a l'acquisition des bases : le solfège pour les musiciens, cadrer une vue pour un cinéaste… Ces bases peuvent être enseignées. Et bien, de la même façon, on peut enseigner à un futur manager des éléments de comptabilité, de finance, de gestion de production, de marketing…
Mais ces bases, qu'on apprend à l'école, ne sont qu'un préalable. Et c'est là que l'exemple des artistes permet d'avancer. Car leur formation n'est jamais achevée, et elle se poursuit au sortir de l'école sous une autre forme : les artistes, continuellement, se cultivent. Un cinéaste passe son temps dans les cinémathèques, un peintre dans les musées, tout en étant curieux, voraces même, d'œuvres très différentes des leurs. De la même façon les managers gagnent à être cultivés : avoir une idée des théories, bien sûr, mais aussi connaître les œuvres des autres, sans hésiter à s'intéresser à des organisations très différentes des leurs.
Cette culture, envisagée comme une méthode d'apprentissage, me semble essentielle. C'est l'un des enjeux de l'École de Paris, mais c'est aussi de cette manière que l'on pourrait appréhender les différents moments qui, au cours d'une vie, mettent un manager en présence d'expériences différentes – d'œuvres différentes, si l'on file la métaphore. Ces moments, ce sont par exemple les stages, et l'importance d'avoir un bon maître de stage est essentiel car c'est grâce à lui que vous pouvez saisir le sens et l'intérêt de ce que vous observez ; ce seront aussi les moments d'apprentissage qui se présentent au fil d'une carrière, quand elle est bien gérée.
Mais pour un manager, les occasions de se cultiver par l'expérience ne sont pas suffisamment nombreuses, ou plus exactement elles ne sont pas suffisamment variées. D'où l'importance d'une médiation, qui lui donne accès à d'autres expériences ; d'où aussi la nécessaire constitution d'une mémoire. Il y a cette formule bien connue des médecins : L'art est long et la vie est courte. C'est ainsi qu'on devrait envisager ce qu'on appelle aujourd'hui la « carrière » d'un manager : un apprentissage, long et varié, qui permet au fil du temps d'acquérir la culture, le savoir-faire, le coup d'œil auxquels on reconnaît un maître.

jeudi 12 décembre 2013

Five Types of People Who Kill Innovation | 15inno


Five Types of People Who Kill Innovation.


Who are the people that kill innovation in corporate organizations? Here is my take on five types. Let me know what you think and what you can you add.


Executives, who do not get innovation: The actions of executives continue to be the single-most important element when it comes to making innovation happen in organizations. Check these blog posts:

Does the Smartest Guy in the Room Kill Innovation?
Executives, Not Six Sigma, Kill Innovation
No CEO Engagement, No Innovation?


Incompetent innovation directors: These people must be able to fulfill the needs of current and future markets. They must be able to bring internal as well as external resources together in order to make this happen. At the same time, innovation directors need to know how to play the political game that is always played in organizations. This is a tough job and there is no room for incompetent people.


Informal leaders: Some people just have more influence than others even though they are not formal leaders. But by being just what they are – informal leaders – they can make or break projects that can help build a stronger innovation culture. Unfortunately, some informal leaders like the status quo, which can become a big hindrance for innovation.


Key people, who miss the bigger picture: Every innovation project has several key people attached to it. They are valuable because they contribute with very specific knowledge. However, they also become a liability if they only focus on their own contribution and fail to understand the value of contributions from other functions or from people outside the organization. We need more t-shaped people.

We can also argue that middle managers fall into this category. It is a bit strange, but they often hinder innovation by just doing their job (get things done), which often does not include a big picture view. To be fair, this one circles back to the executives, who must make an effort not to put middle managers in such a situation.

YOU: You kill innovation when you stop challenging the status quo, when you stop believing and when you stop pushing the limit.
It only takes a few people with the wrong mindset in the "right" places to kill innovation. Don't be one of them.

By Stephan Lindegaard.


[Infographie] 12 actions à mener pour passer d'une simple idée à la réalité d'une entreprise - Maddyness





[Infographie] 12 actions à mener pour passer d'une simple idée à la réalité d'une entreprise 293


Le passage de l'idée au projet nécessite quelques étapes de validation qu'il est important d'avoir en tête. C'est ce qui est appelé dans cette infographie réalisée par SampleQuestionnaire, la phase d'incubation, au premier sens du terme. Les hypothèses germent, les cas sont analysés, les pistes sont à la fois validées, puis invalidées. Voici quelques solutions à explorer pour accélérer cette phase d'exploration.
Croire en soi, avoir une démarche positive est déjà la première des actions à mener. Si l'échec n'est pas une sanction définitive, les issues sont nombreuses et il est nécessaire de persévérer. Se faire accompagner, s'entourer de coaches et de mentors est une des clés de succès. S'il est toujours bon de bénéficier de conseils, il est également important de savoir faire la part des choses: trop de conseils, tue la productivité et parfois aussi le bon sens.

Une idée, c'est 1% d'inspiration et 99% de transpiration

Prendre des risques de manière calculée est un point fort de l'état d'esprit des entrepreneurs, qui réalisent parfois qu'une décision peut être "un mal pour un bien". Patientez votre tour viendra, maintenez la tête hors de l'eau et sachez saisir les opportunités au bon moment. L'histoire d'une startup s'écrit sur le long terme et les étapes de développement risquent d'être plus longues que prévues.
Comment garder la tête froide et faire en sorte que son idée prenne forme? Simplement l'organisation. En prenant le temps de calculer le temps à dédier à chaque tâche (roadmap + deadline), les indicateurs à formaliser et surveiller grâce à un tableau de bord.

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lundi 2 décembre 2013

Start-up: démarrer et croître sans levées de fonds est-il envisageable ? | L'Atelier: Disruptive innovation


Start-up: démarrer et croître sans levées de fonds est-il envisageable ? | L'Atelier: Disruptive innovation


Interview croisée de Alexis de Goriainoff et David Brette, respectivement PDG et Président associé de Sewan Communications, société proposant des solutions de communication unifiées. Réalisant 12 millions de chiffres d'affaires et employant une quarantaine de salariés, l'entreprise n'a toutefois jamais levé de fonds.

L'Atelier : Comment pourriez vous caractériser votre activité? Comment "attaquer" un secteur ?

Alexis de Goriainoff : Nous avons profité de la mutation du secteur des télécoms. Avant 2007, être un opérateur téléphonique signifiait bénéficier d'une infrastructure énorme nécessitant plusieurs millions voire milliards d'investissements. La convergence permise par l'IP a fait qu'avec assez peu de matériel sinon des logiciels, le domaine est devenu relativement accessible. Nous avons réussi à monter sans trop d'argent.  En apportant des fonds personnels, nous avons réuni 60 000 euros qui composent toujours notre capital.

David Brette : Le fait que la fonction d'opérateur évolue a fait basculer le secteur d'un métier d'infrastructures à un métier créatif en termes de nouveaux services. Si auparavant, il était impossible de devenir opérateur sans infrastructures ni fonds conséquents, il est désormais impensable de ne pas détenir de la "matière grise", c'est à dire des talents capables de composer les bonnes équipes.

Quel est votre business model ?

Alexis de Goriainoff : Nous avons réduit au départ nos coûts fixes au minimum, c'est  à dire aux dépenses uniquement nécessaires au démarrage et au fonctionnement de l'activité. Pour les coûts variables, nous n'avons pas pris la voie de la vente à perte pour conquérir le marché. Nos solutions sont payantes et rentables. Nous n'avons pas « acheté » la clientèle. Notre modèle est axé sur la création de valeur et un investissement continu. Nos lignes de produits croissent seulement avec notre nombre de clients.

Est-ce que ce modèle est, selon vous, facilement reproductible ?

Alexis de Goriainoff : Le modèle est reproductible mais pas forcément dans tous les secteurs. Lorsque l'on développe des applications très innovantes, cela peut demander un investissement de départ. En tant qu'opérateur, nous opérons. Notre service lié à l'intermédiation fait que notre opération de briques est différenciante. Nous sommes en fait innovant par notre service unique. Il n'est pas toujours nécessaire de réinventer la roue mais de l'utiliser au mieux.

David Brette : Ce qu'il faut, c'est avoir à la fois une vision à court terme et à moyen terme. Sans fonds, il faut dégager des revenus immédiatement. Il convient donc de développer des applications répondant à un besoin immédiat et d'être capable de penser un système dans lesquelles elles s'inséreront pour couvrir un besoin plus complet, complexe dans un avenir proche. Aujourd'hui, certains cherchent à financer une idée sans aucune vision sur la rentabilité. La revente, des levées de fonds plus importantes ou d'autres solutions lointaines sont alors envisagées pour rembourser la mise de départ.

Quels pourraient être les freins à un tel modèle ?

Alexis de Goriainoff : Il est constamment imposé d'être à l'équilibre. C'est la culture de la débrouille. Il faut lisser au maximum ses investissements. Nous louons la plupart de nos biens. Cela a surement surtout freiné notre croissance.

David Brette: Par le passé, nous étions obligés de nous arrêter sur une opportunité unique requérant un développement particulier pour un client afin de faire rentrer de l'argent malgré un écart avec notre visée stratégique quant aux développements à apporter. Ceci constitue tout de même une bonne démarche commerciale. De plus, ce temps que nous avons perdu lors de ces moments, je pense que nous l'avons rattrapé et même aujourd'hui gagné par rapport à la recherche d'investisseurs ou encore au temps à accorder aux présentations et justifications de nos choix stratégiques. Par ailleurs, s'il faut être malin sur les investissements, il faut surtout faire des concessions. Cela a surement ralenti notre croissance mais nous a permis d'être dans la réalité tout de suite avant de pouvoir penser à monter en gamme. L'autre avantage que nous avons désormais est d'attirer des talents.

Pensez vous pouvoir continuer sans fonds extérieurs ?

Alexis de Goriainoff : À court terme, on pense continuer comme cela. En fait on attend le moment le plus opportun auquel une perte partielle de contrôle vaudra son équivalent en opportunités de développement et d'affaires. Nous n'avons pas encore repéré une telle occasion. Mais effectivement, la donne est désormais différente. Les fonds extérieurs apparaissent plus utiles pour grossir ou devenir un leader européen. Toutefois, notre taille actuelle permet de ne pas entrer en concurrence frontale avec de très gros acteurs. On pourrait continuer comme cela durablement, le marché est doté d'une croissance continue et semble stable, sans possibilité de bouleversement a priori.

En situation de forte croissance, les fonds que vous pourriez possiblement solliciter appartiennent au domaine du capital développement. Que pensez-vous donc de l'état du capital développement en France ?

Alexis de Goriainoff : Selon moi, la fonction est bien développée en France. Il ne se passe pas une semaine sans que je ne sois contacté par des fonds ou des intermédiaires. J'ai été assez surpris par leur diversité, à la différence des fonds d'amorçage que je pense au contraire insuffisants. Le fait que nous n'ayons pas ou peu d'endettement renforce sûrement le phénomène. Seulement, nous pensons prendre le contrepied de la démarche. En effet, nous allons continuer à construire notre projet, et ce n'est que lorsque nous aurons besoin d'un montage financier que nous irons voir les investisseurs et non pas l'inverse. 

L'Atelier : Un conseil pour des créateurs d'entreprise ?

Alexis de Goriainoff : En fait, il faut devenir l'homme orchestre pour son entreprise. Un point important réside dans le fait qu'il faut montrer et démontrer que l'on peut fonctionner sans aide extérieure. Il s'agit du préalable nécessaire à l'acquisition de fonds.

David Brette: Finalement, ce qu'il faut c'est une idée, une équipe, un business model. C'est nécessaire si l'on veut glaner des fonds. Si l'on convainc un client, on peut convaincre un investisseur en montrant un projet, une équipe solides. C'est ce que cherchent en effet les investisseurs. En fait, si je démarrais aujourd'hui, entre le portage et le seul investissement financier, mon choix serait vite fait !

“Il faut admettre que les startups peuvent apprendre des choses aux grands groupes” | L'Atelier: Disruptive innovation



L'Atelier : Quelle complémentarité peut-il y avoir entre startups et grandes entreprises dans un développement conjoint?


Interview d'Olivier Roussat, Président-directeur général de Bouygues Télécom

Olivier Roussat : Je crois que le fait de travailler avec des startups, pour une grande entreprise comme Bouygues Telecom peut être bénéfique pour deux grandes raisons : délier l'innovation d'une part, et mieux répondre aux fluctuations du marché d'autre part. Il faut comprendre que la vision du marché ou des services n'est pas la même si l'on dispose ou non de moyens importants. Les startups montrent clairement que l'innovation naît de la contrainte. Les grands groupes de leur côté n'ont souvent pas, du fait de budgets conséquents, de contraintes suffisantes pour se risquer à l'innovation. L'avantage des startups est ainsi de ne pas être impliquées dans les process nécessaires à un grand groupe pour que celui-ci fonctionne harmonieusement. Dans un grand groupe, si l'idée peut bien émerger, elle risque de se faire polir, poncer par les process et par l'héritage de ce qui a été fait précédemment. Une startup n'a pas le poids de cette vision historique, ou alors nettement moins fortement, et peut créer et suivre une idée, un concept, pur, là où les grandes entreprises risquent de la dénaturer par les filtrages successifs. Travailler avec ces startups nous permet de réellement écouter notre environnement sans filtrer l'information.

C'est d'abord la création qui vous intéresse donc, il ne s'agit pas d'investir pour revendre?


Notre rôle dans la relation que nous avons avec les startups n'est pas celui de business angels.  Nous travaillons au sens propre avec les startups que nous aidons en les sélectionnant selon leur activité et leur complémentarité avec notre réseau. Nous ne rentrons pas dans un sujet si nous ne sommes pas certains d'en avoir un usage immédiat au travers de notre structure. En l'occurrence, les quelques fois où nous avons essayé de pousser une startup sans la parrainer par un de nos opérationnels, cela n'a pas parfaitement fonctionné, malgré la qualité des idées. Notre but est de valoriser la startup dans l'usage qu'elle nous permet de mettre en avant dans nos propres services. C'est une démarche équilibrée car elle est payante aussi bien pour l'entreprise que pour la startup. Nous choisissons expressément de ne pas intégrer les startups dans notre entreprise parce que l'intégration en tuerait le fonctionnement. En imposant les process dont nous parlions, on restreint d'autant la liberté d'innovation qui fait la force de la startup. Au contraire, Bouygues Telecom apporte ses avantages aux startups sans les défauts de la grande structure, notamment en termes d'expertise administrative ou de ressources humaines, par exemple. Notre point de départ est simple :  il faut admettre que la startup peut vous apprendre des choses que vous ne savez pas, même si vous êtes un grand groupe.

Vous avez évoqué dans les facteurs qui réduisent le potentiel d'innovation la peur de l'échec, pouvez-vous élaborer?


La culture de l'échec est justement le point fort des startups, la raison de leur qualité d'innovation. Ces entreprises se créent par échecs successifs et n'hésitent pas à opérer des changements profonds dans leur fonctionnement pour répondre au marché. Le problème culturel quant à l'échec est cependant présent en amont, dans les universités et les écoles qui ne nous apprennent pas forcément que l'échec n'est pas complètement négatif, que le fait de se tromper est une étape presque obligée. Il est irrationnel de vouloir faire croire aux étudiants que l'on peut être le meilleur en tout, l'omniscient n'existe ni dans le monde économique ni dans le monde réel. Dans les grandes entreprises, par exemple, cette crainte de l'échec s'incarne dans l'incapacité à admettre qu'un projet ne soit pas bon. Plutôt que d'en changer, on va dans certains cas le renforcer pour essayer de le forcer à aboutir. Il est difficile pour une grande entreprise d'admettre qu'un projet ne puisse fonctionner, justement parce que c'est un constat d'échec, alors que c'est la force des startups.


Les technologies émergentes, toujours facteurs de risques pour les entreprises | L'Atelier: Disruptive innovation





Le business model en prochain défi


E-réputation, bad buzz…  Si ces nouveaux termes peuvent parfois sembler futiles, leur récurrence traduit en fait une zone de non-confort pour les entreprises. En effet, l'étude "Exploring Strategic Risk" établie par Deloitte montre que la réputation constitue la première préoccupation des entreprises. Cité par 40% du panel, ce facteur de risque a progressé de 14 points par rapport à 2010 et a désormais destitué les inquiétudes liées au positionnement et aux valeurs de marque. Déjà identifiées comme principal risque il y a trois ans dans le secteur financier, les craintes liées à la réputation se sont aujourd'hui répandues dans l'ensemble de secteurs et notamment dans les domaines de la santé du fait des hausses globales des soins de santé. A la base des risques de réputation, les nouvelles technologies ont également été identifiées comme cause des bouleversements des business models.
En effet, la majorité du panel (53%) identifie dès à présent les technologies émergentes comme perturbatrices de leurs schémas d'affaires. En 2016, ce bouleversement des modèles d'affaires jusque là établis sera vraisemblablement un facteur prédominant d'inquiétude (26%) pour les entreprises selon l'étude. Si le sentiment est globalement partagé, la zone Asie semble la plus clairvoyante puisque 59% des sondés prennent déjà en considération cette problématique. Au contraire, la zone EMEA semble légèrement à la traine. En termes d'industrie, le secteur qui voie le potentiel de perturbation pour les modèles d'affaires à son paroxysme est le domaine des sciences de la vie (71%). Cinq principales menaces ont été identifiées, les médias sociaux en tête (47%). Le data mining (44%) et les applications mobiles (40%) complètent le podium suivis de près par les préoccupations vis à vis du Cloud computing (38%) et des cyber-attaques (36%).

Le Big Data et les analytics en solutions


Les solutions de Big Data et les données analytiques à en tirer peuvent aider les entreprises à donner du sens aux flux incessants d'information (et de désinformation) que ce soit en interne ou sur la toile. De nouvelles pratiques de contrôle mais également de benchmark et de conseil devront permettre de mieux appréhender les attentes des consommateurs qui auront ainsi leur mot à dire sur les modèles d'entreprise. Bien sûr, toutes les données ne seront pertinentes ou utiles pour évaluer le risque stratégique. Ainsi, le défi de l'analyse des données est de passer au crible cet ensemble de données, de déterminer les risques les plus importants et leurs indicateurs, puis d'établir une marche à suivre. La nécessaire dynamique de cette démarche et de l'adaptation constante des risques stratégiques à identifier constituera enfin un dernier défi.